N comme Neige

” Il neige ! ” Je jure qu’aucune autre exclamation ne déclenche chez moi une telle euphorie, qu’aucun autre évènement météorologique n’a sur moi un impact émotionnel positif comparable. J’entends déjà d’ici certains montagnards goguenards et autres esquimaux grommeler tout en m’invitant à partager leurs quotidiens hivernaux. Mais voilà, mon lieu de résidence étant rarement sujet à ce type d’épisodes, la frustration aidant probablement, c’est plus fort que moi j’en suis dingue. Ainsi, la vision du moindre petit flocon virevoltant, tournoyant, léger, fragile m’est tellement jubilatoire, qu’elle me transforme instantanément en dinde béate glougloutant d’allégresse. Et imaginez mon état lorsqu’il se met à neiger abondamment. Que ce soit en ville ou à la montagne, peu m’importent ses conséquences glissantes et boueuses, j’aime voir tomber la neige. C’est presque animal, irrationnel, comme si la beauté de l’instant transitait directement de mes yeux vers mon cœur, comme si la féérie du moment renvoyait à ma torpeur d’adulte mon regard d’enfant ingénu. Lorsqu’il neige, j’éprouve un sentiment de paix infini, lié probablement à la délicatesse avec laquelle se déposent les flocons, leur fragilité, la sérénité ambiante. La neige c’est aussi, dans ses épisodes les plus généreux, le calme ouaté d’un monde immaculé capable de convertir chaque support anodin, voiture, panneau de signalisation, rambarde, en œuvre d’art éphémère et gourmande. Cela ne tient à rien, quelques degrés de moins suffisent pour que des gouttes de pluie, sans autre destin esthétique que celui de s’écraser ou ruisseler vulgairement, se transforment en cristaux sublimes et variés. Ainsi, pendant des heures, pourrais-je observer par la fenêtre un paysage blanchir doucement sous l’une de ces averses silencieuses, savourant du regard la paisible poésie de l’instant et me réchauffant accessoirement avec un bon chocolat chaud.

 

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